Biganos : Un creuset d’histoire et de patrimoine
Biganos, commune du Pays de Buch et localité emblématique du bassin d’Arcachon, est un véritable palimpseste historique où chaque rue, chaque quartier et chaque paysage révèle une strate de son passé. Comme le souligne le maire Bruno Lafon, arpenter la ville, c’est marcher sur les traces d’une histoire façonnée par ses ressources et sa position géographique stratégique.

Des origines antiques à la Révolution industrielle
Située à l’entrée du delta de la Leyre, au sein du Parc naturel régional des Landes de Gascogne, Biganos a vu ses premières installations humaines se densifier à l’ère gallo-romaine autour du port de Boïos.
Ce port, trait d’union entre l’arrière-pays et le littoral, fut un point d’exportation de la poix, une résine de pin déjà exploitée à l’époque romaine. Cette activité ancestrale a contribué à un recul précoce de la forêt de pins, marquant les prémices d’une économie basée sur l’exploitation des ressources locales.
Pendant des siècles, l’activité principale de Biganos fut agropastorale, complétée par la pêche et le fonctionnement de nombreux moulins. L’architecture locale reflète cette dépendance aux ressources disponibles : les maisons traditionnelles de la lande, construites en bois à
colombages et en torchis, utilisaient des matériaux omniprésents. L’ajout décoratif de briques plates, parfois disposées en « feuilles de fougère », était à l’origine une astuce pratique pour utiliser des briques trop longues pour être posées horizontalement, témoignant de l’ingéniosité des bâtisseurs de l’époque.
La Révolution industrielle et la naissance de la ville moderne
Le XIXe siècle fut le théâtre d’une transformation radicale pour Biganos. Si des initiatives d’assainissement et de mise en culture des Landes de Gascogne émergent dès le XVIIIe siècle, c’est la loi impériale de 1857 sous Napoléon III qui catalyse la création de l’immense forêt de pins, ouvrant la voie à une nouvelle ère industrielle. La sylviculture et les filières de transformation du bois s’imposent alors comme les activités économiques majeures.
Le dynamisme de la ville s’incarne dans les nombreuses entreprises qui ont vu le jour en exploitant ses richesses naturelles :
- La Verrerie de Capsus (1816-1880) : Utilisant le sable de silice et le bois, elle produisait du verre. Son ancien site a laissé place au Parc Lecoq, aujourd’hui un cœur vert et lieu de rassemblement.
- Les Forges de Pontnau (jusqu’en 1914) : Elles exploitaient la « garluche » ou pierre de fer, le charbon de bois et l’énergie hydraulique.
- Les Tuileries et Briqueteries : L’argile locale a permis le développement d’une industrie prospère, faisant la renommée de la « brique de Biganos », encore visible dans les maisons traditionnelles.
- L’industrie papetière : Un premier moulin à papier, construit par la société Loze, a été le précurseur d’une activité qui allait définir une partie de l’identité de Biganos.

L’arrivée du chemin de fer en 1842, avec la gare de Facture, fut un accélérateur majeur de cet essor industriel. La gare, autrefois un grand centre de tri de marchandises, est aujourd’hui la troisième de Gironde en nombre de voyageurs, témoignant de son importance continue.
Facture : Cité industrielle et laboratoire social
Le quartier de Facture est indissociable de l’essor de l’industrie papetière. En 1928, une usine de production de papier kraft pour l’emballage s’y installe. Aujourd’hui, connue sous le nom de Smurfit Westrock, elle reste l’un des premiers producteurs européens de papier. Son développement a attiré une main-d’œuvre importante, et avec elle, un modèle social singulier.
Dans la lignée du « nouveau paternalisme » promu par le groupe Saint-Gobain, l’entreprise a cultivé un « rapport de fidélité » avec ses employés. Les salaires élevés, la construction de logements pour les cadres et les ouvriers, ou encore l’existence d’une coopérative et d’une station-service à prix réduits, ont contribué à un sentiment d’appartenance fort.

Autour d’une école primaire, une cité ouvrière de 72 logements a été édifiée, créant un tissu urbain distinctif et renforçant le lien entre le lieu de travail et la vie quotidienne.
Un héritage vivant
Aujourd’hui, Biganos se positionne comme une ville-carrefour dynamique. Son histoire se lit encore à travers ses lieux emblématiques : la tour du Castéra, les statues de vaches du rond-point de Vigneau, le rond point du puit de Biganos ou les célébrations de messes de plein air qui perpétuent la tradition.
Bien que le passé industriel ait laissé des traces, la ville a su valoriser son identité, façonnée par l’exploitation du bois, de la terre et de l’eau. Avec ses infrastructures modernes, elle continue d’attirer de nouveaux habitants tout en veillant à préserver sa mémoire collective, créant ainsi un pont entre son riche passé et son avenir prometteur.